Tour de l’Aiguille du Tour – 17 et 18 Juin 2023
Membres de l’aventure :
- Pierre : le guide, l’homme vers lequel tourner ses oreilles
- Dominique : apprenti guide
- Anne-Marie et Simone : la joie de la montagne
- Maud la fonceuse et porteuse de corde
- Marie-Ginette : photographe à l’accent québécois
- Thomas : porteur de corde
- Laure : retardataire dans la rédaction du compte rendu
JOUR 1 : Montée au refuge Albert 1er
9H30 : L’équipe et le matériel au complet, départ du parking du Météore à Meythet. Les voitures filent vers Chamonix pour s’arrêter devant les remontées mécaniques de Charamillon. Trois porteurs de cordes sont désignés et alterneront la portée de cette masse morte mais utile. Un télécabine puis un télésiège nous permettent de prendre de la hauteur sans effort.
Après une petite heure de marche et sous la menace des gargouillis des estomacs, la pause picnic est décrétée. Vue sur les montagnes, petit soleil tendre, les conditions pourraient être pires !
Le repas avalé, l’excitation nous remet en jambes. La marche est progressive et permet de nous habituer au poids des chaussures d’alpinisme et de la masse de la corde. La légèreté du trail n’a pas sa place ici, sécurité avant tout. On bavarde tranquillement en faisant connaissance.
Au détour d’un virage, une langue de glace apparaît dans toute sa beauté, puis la pointe de l’Aiguille du Chardonnet, et enfin le refuge noir dont le contour se découpe clairement sur ce fond blanc. Les couleurs sont incroyables : le blanc de la neige chatouille le bleu profond couleur lapis lazuli de la glace. La masse rocheuse s’élève au-dessus de nous mais ne semble pas menaçante sous le soleil éclatant.
Pour ma part, j’observe pour la première fois des seracs : ces gros monticules de glace qui s’entrechoquent et s’espacent. Sous l’effet du vent, des ponts de neiges se forment et les relient. Ces mêmes ponts qui peuvent céder sous notre masse et nous envoyer au fond d’une crevasse. Ils n’ont pas l’air effrayants d’ici et sont une matière à comprendre la nécessité de l’encordement.
14H30 nous posons nos sacs pour une école de glace pilotée par Pierre, juste sous le refuge.
Au programme :
- Apprendre à arrêter une chute sur glacier avec les crampons : le piolet bien calé contre son corps, on dévale la pente sur nos fesses. Une fois qu’on a pris suffisamment de vitesse, on se retourne les crampons en l’air – pour éviter la culbute – et on plante le piolet dans la glace à l’aide de toute notre masse en poussant des gros cris (dont l’utilité demeure encore incomprise). Si tout se passe bien, l’arrêt ne se fait pas bien loin !
- Apprendre à marcher avec les crampons en pente en faisant le canard élégant : fait !
- Apprendre à s’encorder et à marcher encordés (encore plus complexe). Un nœud de 8 est à la base de l’encordement, cependant des subtilités sont à noter en fonction de sa position dans la cordée. En effet, les extrémités de cordée doivent pouvoir adapter la longueur de l’encordement au type de terrain rencontré. Il faut donc qu’ils conservent des anneaux de corde autour de leur cou sans que ceux-ci ne les étouffent si un compagnon de la cordée chute dans une crevasse.
- Pour les amateurs de facilité : se mettre dans le milieu de la cordée de trois. Un simple nœud de 8 vous relie à vos deux autres compagnons de cordée, sans avoir à vous préoccuper de longueurs de corde restante.
- Pour les premiers et les derniers de cordée : Pierre détaille 3 techniques pour avoir des longueurs de cordes enroulées autour du cou sans finir pendu. Partie encore non maitrisée et à réviser : nœuds de cabestan et nœud de chaise sont à la base.
- La longueur d’encordement est fonction de la pente traversée :
- En pente raide (névé ou glacier) : encordement court pour stopper le plus rapidement possible la chute avant de prendre de l’inertie.
- Sur glacier en montée ou plat : encordement plus long que la distance moyenne entre deux séracs (de l’ordre de 10-15 m).
- Pierre nous donne les fondamentaux pour sortir une personne de la crevasse :
- Etape 1 : stabiliser la position de la personne hors crevasse en faisant un corps mort (qui ne consiste pas à enterrer le corps de quelqu’un qu’on n’apprécierait peu). Une tranchée en T de l’ordre de 40-50 cm de profondeur doit être creusée. On accroche un ficelou par un nœud d’alouette au manche du piolet, qu’on dispose ensuite dans la tranchée. On recouvre cette dernière de neige en tassant bien. On peut alors se suspendre à l’extrémité du ficelou par un mousqueton en toute sécurité.
- Etape 2 : essayer de remonter le crevassé de la crevasse. Il faut maitriser le nœud du pécheur et avoir du matériel approprié. On ne détaillera pas cette étape à pratiquer pour être maitrisée.
La tête remplie de nœuds et de techniques et les yeux brillants de satisfaction, on prend la direction le refuge pour la soirée.
Note Importante : Ne pas perdre son équipement dans le tourbillon de vie qui s’y installe. Astuce : personnaliser son matos.
Après une installation sommaire, les membres de l’équipe se retrouvent autour d’une table à l’extérieur à réviser les nœuds (sous le regard amusé de Pierre) et à contempler le paysage qui revêt tout doucement les couleurs de la nuit.
19H30 la faim tire notre estomac et on attend avec impatience le service. Le repas est délicieux et copieux : soupe, riz au bœuf et petit gâteau… mieux qu’à la maison !
La fatigue s’invite en même temps que la digestion. Un dernier passage dehors : les derniers couchers de soleil disparaissent et on aperçoit des chamois remonter la pente pour aller se coucher.
21H30 : allongé dans le lit, droit comme une règle on attend Morphée.
Notre plan de se coucher les premiers pour trouver le sommeil ne se déroule pas du tout comme prévu. Les premiers compagnons de dortoirs arrivent ainsi que les premiers ronfleurs (des hors catégorie notons-le). Ne jamais perdre ses boule Quies dans le lit où vous serez cernés au petit matin.
JOUR 2 : Tour de l’Aiguille du Tour et redescente dans la vallée
4H30 : nuit blanche. Ça va picoter. On se retrouve pour un petit déjeuner silencieux encore dans les vapes de la nuit. Dehors, des lumières de frontale précèdent le soleil et éclairent le glacier. Des alpinistes lève-tôt sont déjà à l’œuvre dans la montagne et offrent un moment intemporel. On suit les montagnards à leurs frontales, zigzagant dans la nuit. C’est beau.
30 min plus tard, les sacs allégés, le signal de départ est donné pour nos 3 cordées. Les crampons attaquent la glace encore solide à ces heures matinales.
L’avancée se fait sur un rythme lent, corde tendue et permet de se laisser bercer dans la beauté du paysage qui s’offre à notre regard.
Le contraste des couleurs est saisissant : La pureté du blanc des glaciers meurt sur le gris des rochers. Les conditions ne sont pas accueillantes ici et l’homme ne peut être que de passage dans ce monde trop grand, incertain et peu accessible.
Tout comme le soleil, on s’élève doucement.
Un seul chemin pour atteindre le sommet : un couloir de roches mouvantes. Des rochers sont positionnés en équilibre, attendant d’être déstabilisés sous nos pieds. Le passage est perturbant et crispant : lourd avec le matériel, gauches avec nos grosses chaussures d’alpinismes cramponnées, nos gestes sont peu précis, lents et la vulnérabilité se fait sentir. Le niveau de vigilance est à son maximum. À tout moment un rocher peut partir dans une direction aléatoire.
Nos crampons quittent le passage rocailleux et se posent à nouveau sur de la glace, en territoire suisse. La montagne est continue là où les pays ne le sont pas. On est bien content d’arriver et une pause est bien méritée.
Le paysage est sublime. Les yeux grands ouverts, on contemple silencieux ces morceaux de montagnes et on s’amuse à les reconnaitre et les nommer : Tête Blanche, Aiguille du Chardonnet … La température est douce. Un léger vent fouette nos visages et refroidit notre sueur.
Au pied de l’aiguille du Tour, des alpinistes en queue attendent ou reviennent de l’arête. C’est fou que dans des endroits aussi reculés on retrouve des comportements de la ville. On passe devant eux sans s’arrêter. La glace se transforme déjà sous le feu du soleil. Il nous faut redescendre. La pente n’est pas vertigineuse mais permet de mettre en place les bons gestes : planté du piolet en amont, crampon gauche puis crampon droit. On recommence.
Le retour au refuge se fait tout doucement. 12H30 le picnic est sorti, puis on entame la redescente dans la vallée.
Les crampons dans le sac, on dévale la pente. Les pieds chauffent dans ces grosses chaussures et on commence à s’imaginer autour d’un verre de limonade bien fraîche.
Et comme nous sommes des gens qui réalisons nos rêves, on clôt cet incroyable WE montagnard dans un bar.
MERCI PIERRE, c’était SUPER 😊,
Laure